mardi 30 janvier 2018

L'Iran reçu au Parlement Européen (Chronique Géopolitique)

(Dans cet épisode, il est question de l'histoire rapide de la formation de l'Iran entre la Seconde Guerre Mondiale et la Révolution Islamique, et des enjeux de la place de l'Iran au Moyen-Orient discutés au Parlement Européen fin janvier 2018. Vous trouverez l'épisode en version complète sur mon site internet.)

Le président de la commission de politique extérieure et de sécurité nationale de l’Assemblée consultative islamique d’Iran était invité ce mardi 23 janvier au sein de la commission des affaires étrangères (AFET), augurant une série de futurs déplacements diplomatiques. Cette rencontre entre l’Iran et l’Union Européenne n’est donc pas anodine, et permet de replacer l’Iran dans la diplomatie internationale, qui plus est au sein d’un « Moyen-Orient » divisé et fragilisé.

Manifestations anti-régime en 1978.


Conclusion


Le président a rappelé au début de la séance qu’il souhaitait travailler avec l’Europe, restaurer des relations commerciales malgré la froideur soudaine des Etats-Unis, et retrouver des relations bilatérales avec un maximum de pays occidentaux. C’est ainsi dans un vrai souci d’ouverture qu’une délégation d’Iran s’est donc retrouvée ce lundi au Parlement Européen, ce qui est plutôt rare. Même si les grands dossiers faisant débat parmi les députés n’ont pas été ouverts, le Parlement Européen a rappelé son soutien de l’accord passé avec les Etats-Unis avant le retrait voulu par Donald Trump, et l’Iran a répondu au dossier terroriste, yéménite, palestinien et à celui sur les manifestations. Reste à voir ce que deviendra l’accord sur le nucléaire iranien dans les prochains mois.


Les manifestations de fin décembre et début janvier, qualifiées « d’anti-régime » par la plupart des médias, et ayant fait 25 morts.

Sources :
  • Hourcade, B., « L’Iran est faible mais la République islamique se sent forte », in Politique Etrangère, 2012 / 3, p.491-503
  • Revue internationale et stratégique : L’Iran, plaque sensible des relations internationales, 2008, n°70/2, 238 p.
  • Parlement Européen, Commission des Affaires Etrangères, réunion du 23 janvier 2018, en ligne, http://www.europarl.europa.eu/ep-live/fr/committees/video?event=20180123-0900-COMMITTEE-AFET

Les autres Chroniques Géopolitiques :


samedi 20 janvier 2018

Compte-Rendu n°6 - Histoire du Terrorisme, de l'Antiquité à Daesh

(L'article traite de la somme historique majeure que représente l'Histoire du Terrorisme, écrit par Messieurs Blin et Chaliand. Vous retrouverez cet article en version complète sur mon site internet.)

Introduction


Le terrorisme djihadiste a pris de court l’opinion publique en 2015 lors des attentats de Charlie Hebdo en janvier, et surtout lors des attaques du 13 novembre 2015 ayant fait 130 morts et 413 blessés. La mouvance islamiste salafiste est pourtant vieille : les premiers écrits prônant le terrorisme remontent au Moyen-Âge, et les premières mouvances djihadistes aux années 70. Face à ce qui semble un nouveau sujet, Gérard Chaliand et Arnaud Blin ont écrit une massive Histoire du Terrorisme. La première édition s’est arrêtée en 2004, pour décrire notamment Al-Qaida. Une seconde édition a vu le jour en 2006, mais c’est une version enrichie que nous avons lu : Histoire du Terrorisme. De l’Antiquité à Daesh[1]. Nous allons aborder au fil de notre étude sur ce livre les points importants.


L’ouvrage dont il va être question aujourd’hui.

Gérard Chaliand est diplômé de sociologie politique et spécialiste des relations internationales. Il a une grande expérience du terrain, et a enseigné à l’ENA, à l’Ecole Supérieure de Guerre, et a une longue expérience auprès du Ministère des affaires étrangères. Il a écrit de très nombreux ouvrages sur la guérilla et la révolution, mais aussi sur le terrorisme. Arnaud Blin est quant à lui diplômé en sciences politiques et en histoire militaire. Il a écrit sur la paix de Westphalie, sur les batailles de Wagram et d’Iéna, et a participé à l’élaboration du livre dont il est aujourd’hui question.


Conclusion


Nous sommes passés très rapidement sur les annexes indispensables présentant la littérature « terroriste », qui présente ou peint ce type d’action, du tyrannicide Lorenzaccio d’Alfred de Musset aux anarchistes russes présents dans certaines œuvres littéraires. On retrouve aussi dans ces annexes des manifestes, des discours et des théories sur le terrorisme révolutionnaire, sur la guérilla, mais aussi sur l’islamisme du XXe siècle.


Le terrorisme anarchiste en 1894, avec l’assassinat du quatrième président de la IIIe République. Edition du 2 juillet 1894 du Petit Journal.


En définitive, ce livre répond à une véritable demande intellectuelle et populaire : le besoin de comprendre ce qui touche aujourd’hui si fortement la France. On découvre au fil de ces pages que le terrorisme a toujours existé, et qu’il est un mode d’action basé sur la psychologie et la déstabilisation des Etats, et que seules des réponses politiques et idéologiques permettent d’anéantir ces courants, pour empêcher de construire ces groupes sur des terreaux humains parfois déclassés, parfois non. Le livre ne répond malheureusement pas entièrement aux questions amplement débattues par ailleurs de la communication sur les réseaux sociaux, et sur les cellules terroristes qui recrutent même de jeunes convertis : comment comprendre l’intériorisation de la lutte contre l’Occident chez un Occidental ? Est-ce uniquement une question de déclassement ? La réponse, négative, est amplement débattue dans les médias aujourd’hui.


Θουκυδίδης (Thoukydides, ou Thucydide) (460-395 avant Jésus-Christ) est un des plus anciens auteurs qui a pour but d’analyser un conflit et d’expliciter ses conditions culturelles, économiques et matérielles dans son Histoire de la Guerre du Péloponnèse (431-404), le long conflit opposant la Ligue de Délos conduite par Athènes et la Ligue du Péloponnèse menée par Sparte. Il y mène une analyse rationnelle, et fixe pour plusieurs siècles, voire plusieurs millénaires le rôle de l’historien, rendant un récit cohérent autour de faits et d’explications.

Replacer un phénomène humain, qui plus est violent, est aussi la tâche de l’historien. Il n’a pas forcément les armes et les moyens de dire comment réagir face à la violence humaine, mais il peut au moins présenter les conditions matérielles, culturelles, sociales et historiques qui ont prévalu dans l’appréhension du phénomène terroriste. C’est pour cela que cet ouvrage nous permet de saisir sur le vif un phénomène extrêmement contemporain.

Les autres comptes-rendus  :

vendredi 19 janvier 2018

Conflictualité : la robotisation du champ de bataille

(Une nouvelle série a été créée sur mon site : Conflictualité. Elle se veut centrée sur les enjeux de la guerre au XXIe siècle, entre analyse et prospective. Vous retrouverez l'épisode en entier sur mon site internet.)

La robotisation militaire est un fait contemporain de la guerre : réduction des effectifs, améliorations technologiques, besoins en frappes de précisions et en renseignement, ces causes rentrent dans les nouvelles conflictualités. Les luttes interétatiques se raréfient, au profit des luttes internes, et lorsque l’adversaire livre une guerre asymétrique aux Etats disposant d’une armée professionnelle technologiquement avancée, le recours à la technologie est nécessairement plus important. La doctrine militaire évolue en même temps, car les nouvelles conflictualités n’effacent pas les anciennes, et l’utilisation de la robotique rentre dans le mode de fonctionnement des armées (EMAT, 2016). L’augmentation de ces moyens technologiques nous pousse à nous demander s’il existe de vraies limites à la robotisation des champs de bataille contemporains.


Une photo d’un drone Predator (Source : RFI). Construits par General Atomics, et volant pour la première fois en 1994, il s’agit d’un MALE UAS, c’est-à-dire d’un medium-long altitude unmanned aircraft system. Télépiloté à distance, il peut faire de la reconnaissance, et a été progressivement armé avec des missiles pour lancer des frappes chirurgicales. Le drone de combat est une donnée acquise dans les systèmes militaires contemporains, et se décline en un certain nombre de variantes, du petit drone utilisé par un groupe de combat dans un environnement urbain à celui qui peut rester autonome pendant plusieurs heures. Signalons que pilote de drone ou opérateur drone est une des nombreuses spécialités (au sens de spécialisation) de l’armée de terre française.



En guise de conclusion : des limites établies, et à établir


La robotisation du champ de bataille est un fait militaire récent, mais n’est pas en soi une révolution. Le robot est une arme, employé dans des actions militaires « classiques » : renseignement et frappes ciblées par téléguidage. Il instaure une distance plus importante encore, mais reste proche du droit des conflits. En tant qu’arme, il ne règle pas les conflits, et dépend très fortement du facteur humain. Cette arme possède aussi ses vulnérabilités : piratage, et destruction facile si détectée.


Le MAARS, ou Modular Advanced Armed Robotic System, fait partie des UGV pour unmanned ground vehicle, et est destiné à la reconnaissance, et même à l’acquisition de cibles. Il peut accompagner les forces au sol et fournir un appui-feu. (Source de l’image : Sarna.)

Le souci est l’utilisation que la politique en fait. Puisqu’employer des drones est moins coûteux en vie humaine, son utilisation parait aller de soi. Mais les technologies de furtivité, l’ingérence et l’utilisation des drones sans en référer aux instances démocratiques ou internationales sont des violations claires du droit des conflits. Le drone est une arme, et doit être considéré comme telle dans les questions d’ingérence et de droit. La doctrine militaire s’adapte à cette utilisation robotique sur le champ de bataille, mais la doctrine politique doit faire de même pour l’inclure dans le droit international.

Bibliographie

  • CALHOUN, L., 2017, « Death frome above : the perils of lethal drone strikes », Bulletin of the Atomic Scientists, 73-2, p.138-142
  • DGA, 2015, Document de présentation de l’orientation de la S&T. Période 2014-2019., 37 p.
  • EMAT, 2016, Action Terrestre Future, 67 p., http://fr.calameo.com/books/000063302be07e29a7e4f [Consulté le 29/09/17]
  • FLI, 2015, Autonomous Weapons: an Open Letter from AI & Robotics Researchers
  • JEANGENE WILMER, J.-B., 2013, « Légalité et légitimité des drones armés », Politique Etrangère, 3, p.119-132
  • JEANGENE WILMER, J.-B., 2013, « Robotisation et transformations de la guerre », Politique Etrangère, 3, p.80-89
  • NOËL, J.-C., 2013, « Occuper sans envahir : drones aériens et stratégie », Politique Etrangère, 3, p.105-117
  • SINGER, P. W., 2013, « La guerre connectée : les implications de la révolution robotique », Politique Etrangère, 3, p.91-104
  • STILES, J., 2017, Drone wars are coming, DARPA / ONR
  • STOA, (Science and Technology Options Assessment), 2009, Human Enhancement Study, 200 p., https://www.itas.kit.edu/downloads/etag_coua09a.pdf [Consulté le 29/09/17]
  • TRIDON, J.-B., 2017, « Téléopération – automatisme – Autonomie en robotique militaire : de quoi parle-t-on ? », Colloque jeudi 8 décembre 2016 à la DGGN, Issy les Moulineaux, 17 p.
  • UNITED NATIONS, 2015, Study on Armed Unmanned Aerial Vehicles, New York, 61 p.
  • VAUGHAN, J., 2017, Foreign Drones complicate maritime air defense, Naval Institute Proceedings